Coucou FibreTigre ! Re-bienvenue parmi nous ! Comment ça va, quels sont tes projets en cours ?

En jeux vidéo, il y a Sigma Theory et Antioch, qui ont tous les deux de grandes composantes IF. J’ai aussi un autre jeu IF terminé sous le coude et on attend les assets graphiques. Un autre jeu, Eugenics, va bientôt sortir aussi. Sinon mon temps est occupé à préparer l’émission Game of Rôles.

Je voulais te poser aujourd’hui quelques questions sur Maspero Blue. Tout d’abord, peux-tu nous décrire ce jeu et sa spécificité en quelques mots ? Quel était ton but avec ce projet ?

C’est un jeu dont le concept remonte à mai 2015. J’ai vécu un passage à vide énorme à cette période, mais j’ai ramené des concepts et des histoires somptueuses. Au cœur de Maspero, il y avait à la base un concept : un jeu de conquêtes par « accord mutuel ». En gros, tu as un village, je veux le conquérir, je « t’achète » sa conquête, par exemple avec un revenu régulier en or, qui à terme, te rendra plus riche que moi.

D’une façon générale j’ai essayé de mettre toutes les idées de game design qui habituellement m’étaient refusées. L’idée par exemple de ne pas faire de carte, mais de mettre des marqueurs visuels qui permettent de se repérer. Ou même de supprimer les points cardinaux. C’était intéressant et libérateur. L’ensemble du jeu a été codé en direct sur Twitch et exporté sur Youtube.

C’est un jeu uniquement texte. C’est un peu mon brouillon infini. Si demain je veux tester, par exemple, la création d’une monnaie variable d’un pays à l’autre, je le ferai probablement dans MB.

Concrètement, quel contenu as-tu codé toi-même dans le jeu, et qu’est-ce qui est du fait des joueurs ?

Un des fondamentaux de Maspero était de tester une théorie personnelle que j’ai appelé le « lore émergent ». Les actions du joueur, non créatives, sont des graines qui permettent de créer le monde dans lequel ils jouent. Dans Maspero, quand vous regardez une fleur qui s’appelle « jolifeuille poivrée », ce nom n’a pas été donné par un game designer mais par un joueur, dont on peut retracer l’historique. Tout a une histoire, et un sens.

En terme de contenu explorable et manipulable, 100 % du contenu a été généré par les joueurs. La carte est vide et aller sur une case la remplit d’un type de roche, d’animaux, de champignons, etc. Tout est généré par les actions du joueur.

Que reste-t-il à faire et à creuser dans le monde de Maspero Blue ? (Pour le joueur, mais aussi pour toi en tant que concepteur.)

Plein de choses. Il n’a pas de endgame pour le moment et je voudrais qu’il y en ait un. Tout est à améliorer. Cela dit, avec le recul, ce qui est le plus amusant, c’est la qualité de la génération procédurale. Je me suis basé sur pas mal d’ouvrages du XIXe siècle. En gros, à l’époque, les arbres phylogénétiques étaient visuels et non basés sur l’ADN et on peut plus logiquement générer des plantes.

Niveau programmation, c’est en PHP, c’est ça ? Qu’est-ce qu’il y a derrière le moteur ? (Un moteur physique comme dans Inform ? Une base de données ?)

C’est PHP/SQL. Il n’y a pas de moteur. Ça a été très mal codé, car je me connecte le soir après une journée de travail et on essaie de produire un truc, d’avancer. Dans ce cadre, j’avais la flemme de faire des fonctions, même la flemme d’indenter : il fallait que ça marche ASAP. Cet été, j’ai fait One Family, un jeu textuel assez complexe, mais déconnecté et en journée, il n’est pas parfait mais il est propre, un seul fichier composé à 100% de fonctions forme le cœur du jeu.

Tu en parles un peu dans ta présentation à la Games Camp de Lille, mais que penses-tu de la génération procédurale ? Y a-t-il des bouts de génération procédurale dans Maspero Blue ?

C’est un bon outil qui a ses limites et qu’il faut savoir utiliser avec soin. L’idée est que la génération procédurale bien utilisée doit être une brique que l’on doit bien gérer avec un maçon qui serait le gameplay et non pas directement une maison. Sinon on aboutit à des mondes sans fin mais ennuyeux comme No Man’s Sky. MB est très riche en génération procédurale, mais elle n’acquiert de sens que quand le joueur s’en empare.

Quels ont été les retours des joueurs ? Le jeu est-il toujours actif ?

Oui, de toute façon dans un écosystème d’ultraviolence, un jeu qui permet de renommer des fougères ou des hommes-colombes, ça peut intéresser certains. Cela dit, je ne suis même pas sûr que ce jeu m’intéresserait si je ne l’avais pas codé.

Les fidèles auditeurs de Studio 404 savent que tu aimes bien faire des prédictions. Une petite prédiction sur le futur de la fiction interactive ?

Étant données les expériences d’Annapurna et de Netflix, il n’est pas impossible que son futur soit plus du côté de l’audiovisuel que du jeu vidéo.

Merci beaucoup, FibreTigre ! À bientôt sur Maspero !