La Fiction Interactive est un art qui sait prendre son temps. Ok, peut-être que ce n’est pas tout à fait vrai, mais en tout cas c’est une bonne excuse pour justifier le fait que l’on publie cet entretien plus d’un an après que Narkhos a gagné le prix du meilleur au concours 2024 avec Le Dernier Serment.

Cette année, il a également participé, en binôme avec Stormi, avec le jeu Oremus qui a reçu un accueil chaleureux sur les réseaux.


Quel a été ton ressenti, ta manière d’aborder le concours ? Est-ce que ça influe sur ta manière de concevoir ?

Je pense que le sujet du concours aide à planter une graine et à s’y tenir, pour éviter de partir dans tous les sens. Et la deadline permet de terminer quelque chose, sans elle, je n’arriverais probablement pas au bout du projet avant de m’en lasser. Ce qui m’intéresse aussi dans le concours, c’est qu’on est lu par d’autres personnes, ça aide à se demander pour qui on écrit lors de la conception, et ça motive à donner le meilleur de nous même.

Le Dernier Serment

Parlons un peu du Dernier Serment qui a gagné le concours l’an dernier…

Ca tombe bien parce que le jeu a une petite actualité en ce moment : publication du code source, traduction en anglais et même quelqu’un qui compte le traduire en espagnol. Du coup j’ai rebossé un peu dessus ces dernières semaines.

Qu’est-ce qui t’a motivé à repasser dessus ?

J’avais depuis l’an dernier pour projet de faire une traduction en anglais et surtout, de faire un refactoring du code source pour faciliter le travail de traduction vers d’autres langues par d’autres personnes. Chose qui m’avait été demandée sur le forum de cpcwiki.eu. Le code source du jeu est là si ça peut intéresser quelqu’un : https://github.com/Narkhos/le-dernier-serment

À ce moment là, j’avais passé plus de 6 mois sur le jeu, et j’avais besoin de souffler un peu. Puis j’ai embrayé sur le projet Oremus. J’avais décidé que mon prochain projet serait une collab et, justement, Stormi m’a contacté me disant qu’il serait intéressé pour faire un projet commun pour le concours 2025.

Le mois dernier, à la fin du concours 2025, l’envie de retravailler sur Le Dernier Serment m’est revenue et le recul m’a permis de faire rapidement les modifications nécessaires pour le rendre multilingue.

C’est un peu un projet de cœur du coup ?

Avec ce projet, je voulais créer un jeu qui aurait pu avoir sa place dans la ludothèque des joueurs dans les années 80. Et proposer une expérience digne de la mémoire de mon frère décédé cette année là (en 2023).

Enfant, j’ai passé des heures sur Le Manoir de Mortevielle sur Amstrad cpc avec lui. Le jeu nous fascinait par son ambiance. On notait les indices dans un cahier, on relisait les parchemins à la recherche de leur sens caché. C’est ce jeu qui nous a donné le goût des jeux d’aventure narratifs.

La chambre du manoir de Mortevielle, le menu action est ouvert et permet de sélectionner le verbe désiré parmi une liste.
Le Manoir de Mortevielle ©Lankhor 1988

L’autre aspect essentiel du projet était bien sur son histoire. Elle fait echo aux conversations philosophiques que j’avais avec mon frère. Bien sûr, je voulais que le jeu ai plusieurs interpetretations possibles, que chacun puisse s’approprier l’expérience.

Ça donne une résonnance très émouvante à ton jeu de savoir ça… Du coup, pour toi, la pratique (jeu et création) de la fiction interactive semble plus de l’ordre de la nostalgie, est-ce que tu penses qu’il peut y avoir un nouveau public qui n’a pas connu ces jeux de l’époque ?

Notre vécu a forcément une part dans ce que l’on aime ou pas, mais je ne me défini pas forcément comme plus nostalgique que la moyenne. Il se trouve que pour Le Dernier Serment, cette composante avait une part importante de ma démarche : c’est ce dont j’avais besoin à ce moment là, et je pensais que ça pourrait aussi toucher d’autres personnes.

Maintenant, concernant la seconde partie de la question, je ne suis pas forcément le mieux placé pour répondre mais je vais essayer de résumer mon point de vue.

Si la fiction interactive, en particulier le jeu à parser, n’a pas la cote actuellement auprès du grand public, ça ne veut pas dire qu’il n’a pas de potentiel. Un jeu comme Legend of Grimrock avait remis le dungeon crawler sur le devant de la scène. Alors pourquoi pas le jeu à parser ? On n’a peut-être pas encore trouvé la formule qui remettra le genre sous les projecteurs.

C’est d’ailleurs un peu avec cette idée en tête que le projet Oremus, en collaboration avec Stormi, a vu le jour. Sans forcément prétendre trouver la fameuse formule, on avait dans l’idée de donner de la visibilité au genre en créant un jeu dont on soit suffisament fier pour oser le présenter à un public plus large.

Sur la collaboration avec Stormi, comment ça s’est passé ? Quelle était la temporalité/temps consacré/périmètre de chacun ?

Stormi avait participé à la phase de bêta test du Dernier Serment et avait mis le doigt sur certains bugs que j’ai pu corriger à la dernière minute grâce à lui. Faire une collaboration plus complète par la suite paraissait naturel. J’avais un projet Inform avec un scénario écrit à la base pour le concours de 2022, sur les thèmes reflet et masque. Mais je ne connaissais pas assez bien Inform. C’était d’ailleurs une des raisons pour lesquelles j’avais par la suite opté pour écrire mon propre moteur de jeu pour Le Dernier Serment.

Scène d'ouverture d'Oremus. Une image en pixel art de la porte (fermée) de l'abbaye occupe le haut de l'écran, un texte décrit la situation en dessous.
Oremus

On a donc commencé à travailler sur Oremus dès l’annonce du thème de 2025 (vers juin 2024 il me semble ?) et on a remanié l’histoire pour que ça corresponde à la thématique du concours. On faisait une session de travail commune un soir par semaine pour faire le point et avancer sur les grandes lignes et sur les problématiques les plus critiques.

Grossièrement, pour la partie technique Stormi a principalement travaillé sur la partie Inform/Vorple. Il a notamment mis en place les tests unitaires qui nous ont permis d’éviter les régressions. De mon côté je me suis plus occupé de la partie affichage en Typescript : changements en fonction des changements d’état du jeu envoyés par Vorple. Bien sur, chacun a un peu touché à tout !

Côté histoire, j’ai écrit le scénario et les dialogues. Stormi a apporté beaucoup d’idées et son souci du détail lui a permis d’ajouter plein de réponses amusantes à des actions secondaires, à découvrir pour les joueurs curieux ! Chose que je n’avais pas pu faire sur Le Dernier Serment du fait des limitations techniques de l’Amstrad et de mon moteur de jeu maison.

Un croquis préparatoire au crayon de papier représentant une église en ruines en haut d'une colline.
La version pixel art, en 4 couleurs, du croquis de l'église en ruines.

Pour les illustrations, j’ai procédé de la même manière pour Le Dernier Serment et pour Oremus : j’ai fait les croquis préparatoires sur papier, j’ai choisi une palette de couleurs puis redessiné en pixel art dans Aseprite (logiciel dédié au dessin en pixel art) et/ou dans Photoshop.

Merci beaucoup d’avoir partagé tout ça avec nous. Un mot pour la fin ?

Je voudrais remercier les bêta testeurs du Dernier Serment : Stormi et Seak. Ils ont contribué à fiabiliser le jeu.
Et bien sûr, merci aux organisateurs du concours et à toute la communauté de fiction-interactive.fr !