Quand nous avions laissé notre héros hier, il stressait beaucoup, car l’IFComp, c’était demain. Voilà maintenant ce qui se passe quand l’IFComp ouvre ses portes.

Jour J : AAAAAAAAAAAAAAAAAAA

C’est parti ! Et là, c’est vraiment de la pure adrénaline, avec symptômes physiques graves : ça y est, la comp commence, les gens ont les jeux, on a les jeux des autres, c’est parti pour 6 semaines de folie !

J’étais content que ça soit en fin de semaine, parce que pendant les premières 48 h, je n’ai RIEN pu faire d’autre. J’ai fait les pages IFDB des jeux pour me calmer, mais c’est fou comme ça semblait être d’une extrême importance. On commençait à jouer aux jeux des autres, à avoir les premiers retours, etc. Donc toutes les heures, il fallait que je me connecte au forum des auteurs pour voir si quelqu’un avait joué à mon jeu ; et regarder sur intfiction s’il y avait des reviews, etc. Le stress total, pour tout le monde : on avait lâché les chiens et ils couraient tout excités en rond en reniflant partout pour trouver une review.

Sauf que. Pour les joueurs, c’était « oh cool, l’IFComp a commencé, va falloir que je regarde ça » – aucune urgence, on a 6 semaines, hein ? C’est difficile en tant qu’auteur de comprendre que tout le monde n’a pas la même motivation et envie que nous. Surtout que 55 jeux, c’est, ouah, comment on va faire pour jouer à tout ça ?! Alors ça vient, ça arrive le weekend, mais pas très vite. Et côté auteur, c’est très frustrant : « hé ben, pourquoi personne joue à mon jeu qui m’a pris 6 mois à coder ? ».

Un autre truc frustrant : les reviews de blurbs (résumés des jeux). C’est apparemment une tradition, mais perso j’avoue que j’ai pas aimé : tout le monde regarde les résumés et les juge/critique comme ils le feraient d’un jeu. Ça me paraissait (paraît toujours) assez injuste de juger un jeu par son petit résumé, que l’auteur a peut-être écrit au dernier moment, et de dire « non ça a pas l’air très bien » en se basant sur 3 lignes : le jeu est plus important que ces 3 lignes, jouez-y, mince, quoi ! (Sauf qu’il y a aussi l’argument inverse : c’est la première chose qu’un joueur qui ne connaît pas ton jeu voit, alors il va forcément se baser sur ça pour savoir si ça vaut le coup ou pas : écrire des critiques, c’est juste dire à haute voix ce que les joueurs vont penser, et ça peut aider les auteurs à écrire des résumés accrocheurs.) Le mien était assez basique, donc j’ai eu des commentaires « ennuyeux », « standard », « mouais », « pas super envie » : donc j’ai un peu paniqué, en me disant que ça y est, personne n’allait jouer à mon jeu. D’autres disaient « ça me rappelle The Martian [Seul sur Mars], j’espère que ça sera pareil / j’espère que ça sera différent » ; et c’est là que je me suis rendu compte que ça sortait au même moment, et que c’était un film sur un astronaute qui résout des puzzles de jeux d’aventure pour s’échapper de Mars… Oups? Oups.

J +4: heureusement, il y a Mathbrush

Pour ceux qui ne connaissent pas, Mathbrush est une machine à FI. Il a commencé à jouer à des fictions interactives pour de vrai début 2015, et il a écrit des reviews au fur et à mesure, et il les a postées sur l’IFDB, à raison de 2 par jour. En 9 mois, il a explosé le « score » de tout le monde : c’est le critique no 1 en nombre de critiques sur l’IFDB (150 à l’heure actuelle je crois). Une machine, je vous dit.

Et là, quand la comp a commencé et on commençait à stresser, il a commencé à jouer aux jeux, à un rythme complètement insensé ; genre 15 jeux le premier jour, et pareil pour le reste. Il a fini de jouer à tous les jeux la première semaine. W. T. F.

Et il a eu une super idée pour combattre notre stess : « the positive vibe thread », un sujet sur le forum où un auteur pouvait demander à ce qu’on dise quelque chose de gentil sur son jeu. C’est bête, mais c’est super important : c’est le stress total pour tout le monde, pour plein de raisons, et on a besoin d’être rassurés. Pour certains les deux premières critiques étaient très négatives, et ça détruit le moral parce qu’on se dit qu’on va se faire détruire pendant 6 semaines ; y’en a qui n’ont pas de critiques (c’était mon cas, et c’était dur — faire F5 pendant 4 jours sans voir une critique, ça stresse) pendant les premiers jours, on se dit qu’on va se faire ignorer pendant 6 semaines, etc. Donc ouais, l’idée du sujet, quand on n’y est pas, ça semble un peu artificiel et faux ; sauf qu’avoir un feedback positif même sur un tout petit bout du jeu, c’est excellent pour le moral, et ça permet d’aborder le reste plus sereinement.

(Et même après, sur le forum il a lancé des sujets super cools, qui avaient trait ou pas aux jeux, bref, j’adore ce type !)

J +5 à +42 (pendant la Comp)

Les moments clés de la Comp, en vrac :

  • Quand t’ouvres PlanetIF et que le premier post c’est une critique de ton jeu : le cœur qui bat un peu plus vite.
  • Quand tu trouves ta première critique super négative : ça arrive, il faut gérer, prendre ce qui est pertinent et laisser le reste.
  • Quand un joueur n’a pas compris qu’il pouvait taper plusieurs fois « speed up » pour accélérer l’affichage des emails, et se plaint que c’était trop lent : … sérieux ? ah euh… bah mince alors, ça doit pas être clair. :/
  • Quand un autre auteur te dit : « hé t’as vu ton jeu est reviewé là. » 😀
  • Quand un autre auteur reviewe ton jeu : ben c’est super intéressant aussi (le goût des auteurs n’est pas le même que le goût du public, cf. Miss Congeniality au fil des années).
  • Quand Emily Short fait une critique de ton jeu : tout le monde est en mode fangirl, « <3 Emilyyyyyyyyy <3 ».
  • Quand Stephen Granade, qui a bossé à la NASA, fait une critique de ton jeu en Twine : HEIIIN NON MAIS WAAAAH MAIS C’EST GÉNIAL IL FALLAIT PAS MERCI MERCI.
  • Quand un joueur te fait un email pour te dire qu’il a apprécié le jeu : oui, y’a des gens qui le font, et c’est super chouette !
  • Quand un FRANCOPHONE te fait un email pour te dire qu’il a apprécié le jeu : « HÉ ! Qu’est-ce que tu fais là ? Merci, c’est super sympa de ta part ! 😀 Tu connais les IF en français ? »
  • Quand un joueur te fait un email avec une liste de problèmes et une critique sommaire du jeu : c’est intéressant aussi ! (ça m’est arrivé, un type qui a relevé des coquilles et notamment qui m’a signalé le bug suivant : « la chanson de Aphex Twin sur la playlist Youtube est bloquée dans mon pays ». x)
  • Quand la note de ton jeu, c’est un petit déjeuner (oui oui).
  • Quand un jeu est retiré de la comp : tout de suite ça bruisse sur le forum des auteurs : « Qu’est-ce qui s’est passé ? Il a fait ça ? Noooon ! C’est pas super, ça. C’est normal qu’il soit retiré de la Comp. »

Au bout d’un moment, par contre, j’ai un peu perdu l’envie de faire des reviews d’autres jeux (j’en ai fait 9 ou 10 sur le forum des auteurs) ; la plupart des jeux avaient entre 4 et 8 critiques à partir de la 2e semaine, et du coup c’était plus dur de se motiver. C’est quand même important de jouer aux jeux des autres, il faut voter pour Miss Congeniality, mais j’ai trouvé ça plus difficile de faire des critiques au bout d’un moment ; et c’est sans doute aussi qu’au bout d’un moment on se lasse et on a pas envie de faire que ça non plus. Pour la même raison, et c’est sans doute lié à ce qui se passait avant la comp, j’ai pas eu la force de corriger les quelques coquilles et bugs qu’on m’a signalés ; c’était des tous petits trucs, mais j’avais comme un blocage, une flemme énorme, pas envie de le faire. C’est bien, c’est pas bien, je sais pas si ça a changé grand-chose, mais je sais qu’il y en a qui ont continué à bosser plutôt dur sur leur jeu et à faire des mises à jour pendant la comp (moi, j’ai codé Vorple pour Inform 6 pour m’occuper !).

Tout en restant sur le forum des auteurs, bien sûr : y’avait un thread de poèmes sur les jeux, un autre sur les prédictions, des retours/râlages sur les différents reviewers, des nouvelles reviews, etc., etc. Je pense que ça tournait à deux douzaines de posts par jour, il se passait beaucoup de choses.

Une autre chose que j’ai eu l’occasion de constater, c’est qu’il y a des jeux qui sont direct encensés par la critique, et dès la première semaine y’en a qui disent : « tu iras loin, petit » ; mais y’a d’autres jeux qui prennent un peu plus de temps à être remarqués, et genre à la 3e semaine y’a quelqu’un qui a fait « hé, mais… SPY INTRIGUE c’est super bien !!! » et tout le monde y a joué et a commencé à en parler.

J +42 (résultats de la Comp)

Grâce à Bruno Dias (très cool), dès que les votes ont été fermés, on a lancé un chat sur l’outil d’amis à lui — qui est d’ailleurs un outil très pratique et intéressant pour le chat. On avait enfin le droit de parler à l’air libre, et on n’a pas parlé de grand-chose de très important mais c’était super sympa quand même ; un peu comme une soirée où on est tous contents et on parle entre nous de tout et de rien avec un grand sourire. C’était vraiment super !

Ensuite l’attente des résultats : ça dépend dans quel fuseau horaire c’est, mais moi j’ai pas vraiment attendu très longtemps à me ronger les ongles : les résultats étaient publiés sur Twitter mais j’étais aussi dans la chat room, et c’était super chouette de continuer un peu à faire la fête. Les résultats de la comp apportent leur lot de joie, de grosses surprises, mais aussi de déception : il y a des auteurs qui étaient très déçus de leur classement final. C’est le jeu, et c’est sûr que c’est pas évident à gérer ; et comme le goût des auteurs est différent du goût du public, on a des prédictions qui se retrouvent assez fausses, et ça peut donner des faux espoirs à certains, peut-être. En tout cas on a été bien surpris par certains, qui se sont retrouvés plus hauts ou plus bas que ce qu’on pensait !

Personnellement, j’étais super content ! 😀 😀 13e vu le niveau de la comp, après que plusieurs critiques aient dit « non mais sérieux c’est la meilleure comp en 20 ans », bah franchement je suis assez fier ! Mais surtout, la vraie récompense de la comp, c’est d’avoir pu créer un lien avec d’autres auteurs, et d’avoir eu 20 critiques différentes sur son jeu : 20 critiques, 20 points de vue différents, et ça aide vraiment à avoir plein de perspectives différentes sur plein d’aspects du jeu. J’ai eu des remarques sur l’écriture, les personnages, le personnage principal, le fait qu’il y ait des erreurs scientifiques, le traitement par le jeu de la dépression et du stress post-traumatique, l’absence de puzzles, l’affichage des mails (beaucoup de commentaires sur ça), la playlist, la fin du jeu, les effets de texte de la séquence finale, ceux du rêve, les robots (beaucoup de gens qui les aiment, alors que c’est 5 lignes de code), des coquilles, un bug d’affichage, etc. Le jeu a été disséqué, désossé, analysé sous toutes les coutures ; et même avec ça j’ai trouvé qu’il y avait des trucs que j’avais essayé de faire dans le jeu que personne n’a relevé, ce qui est intéressant (et sans doute de ma faute).

Je ne pense pas faire d’autres versions de Life on Mars? : j’y ai passé énormément de temps et j’ai envie de passer à autre chose (il reste deux-trois bricoles, mais je sais pas si c’est assez pour que je m’y remette…). De plus, certaines critiques du jeu touchent à des choses que je n’ai pas envie de changer, parce qu’à ce stade-là ça fait partie du jeu, et il est comme il est : je garde les emails qui s’affichent peu à peu et la fin ambiguë, qui a fait que certains joueurs se sont sentis presque floués. Donc pas de « post-comp release », comme certains le font (mais c’est vrai qu’entre la FrenchComp 2014 et l’IFComp 2015, j’y ai passé un temps fou, donc la situation est différente), et le jeu est, pour moi, fini ! Cela étant, tous ces retours et ce feedback m’ont appris énormément de choses, et m’ont aidé à voir aussi la diversité des expériences des joueurs : c’est fou comme certains ont des expériences complètement opposées à d’autres. En tout cas, je suis extrêmement satisfait de ma participation à l’IFComp : ça valait vraiment le coup de traduire le jeu et de se donner cette peine pour avoir cette expérience et toutes ces reviews !!

Merci d’avoir suivi, et n’oubliez pas d’aller jouer aux jeux de l’IFComp 2017 !