Ce week-end, c’est l’IFComp 2017 qui commence ! Six semaines, plusieurs dizaines de jeux, beaucoup de concepts et de plateformes différentes… C’est tout simplement l’événement majeur de la communauté anglophone. À cette occasion, nous publions un article en 2 parties qui décrit l’IFComp de l’intérieur. Ce texte a été écrit à chaud, au sortir de l’IFComp ; vous lui pardonnerez son ton oral et enflammé sur cette expérience extraordinaire.

En 2015, j’ai participé à l’IFComp, en traduisant en anglais mon jeu Life on Mars?, qui avait gagné le concours francophone 2014. Ce fut une expérience extraordinaire, pendant une année où les jeux étaient qu’une qualité exceptionnelle, et je suis très content d’avoir fini 13e ! Laissez-moi vous raconter.

J -120 : traduction du jeu

J’ai commencé la traduction en juin, en utilisant mon fidèle scriptTrad.py (utilisé pour traduire Ombre). L’outil est flexible et permet de travailler sur la traduction sans que ça pose de problème si on veut résoudre des bugs ou changer certaines parties du jeu. Ceci m’a aussi permis de travailler sur les deux versions (française et anglaise) en parallèle, et tous les bugs rapportés dans une langue quelconque étaient ainsi réglés dans les deux langues ! Pas mécontent d’avoir fait ça, ça valait le petit surcoût en temps.

Je dois dire qu’au début, j’avais un peu peur de retoucher au jeu. Le jeu avait gagné le concours francophone, avec des bonnes critiques et tout : et si je le cassais en y retouchant ? Et si je rajoutais des trucs qui cassent tout ? Qui cassent l’ambiance ? Et si je me replongeais dans le code et je trouvais que c’était pas super finalement ? Au final, je pense que la traduction a permis de dénouer un peu le problème — traduire ne dénature pas le produit originel et ensuite, une fois qu’on s’y est un peu replongé, on voit des trucs qu’on ne peut pas se permettre de ne pas corriger. Mais c’est un peu une peur pour moi, et je crois que j’ai la même peur quant à la correction de bugs pour Les espions ne meurent jamais… (et si je n’étais plus aussi drôle qu’il y a 10 ans ? etc.) Je suis le seul à qui ça fait ça ?

J -60 : bêta-test

Au 8 août, j’avais intégré tous les bugs auxquels je pouvais penser (transcriptions du concours, remarques de Flap, mes propres remarques en jouant au jeu) et tout était traduit. Sauf que j’ai fait le boulet, je pensais que la date limite était le 1er septembre et pas le 1er octobre, et je me suis stressé pour rien (et j’ai pressé certains testeurs pour rien, aussi).
J’ai utilisé if.game-testing.org (qui n’existe plus, hélas…) pour faire un appel à bêta-testeurs, et j’ai aussi posté sur le forum anglophone. J’ai été plutôt surpris par les réponses : des noms connus (par le forum sûrement) et des noms que je ne connaissais pas forcément (5 personnes par le site game-testing !). J’ai essayé de faire ça par vagues, et j’ai demandé en premier à Sam Kabo Ashwell et à Andrew Watt, qui m’ont fait respectivement des remarques sur l’anglais et le défilement des emails. Puis j’ai demandé à Michael Fransioli, un des testeurs de game-testing, qui m’a fait des remarques sur la jouabilité (et l’anglais) et donné plus de transcriptions.

Pendant tout ce temps (je sais plus trop comment ça a commencé mais je crois que j’ai dû lui envoyer un message sur un de ses posts), j’ai communiqué avec Andrew Schultz, qui m’a beaucoup aidé, niveau motivation et aussi au niveau du jeu. Il était en train de faire son jeu aussi, et on s’échangeait des remarques et conseils sur les jeux de l’un et de l’autre pendant plusieurs semaines : c’était pas vraiment comme travailler en binôme puisque chacun avait son projet, mais vu qu’on avait le même but c’était très motivant ! Je crois que ça a été très motivant pour lui aussi, d’avoir du feedback très tôt dans son cycle de développement (il avait juste une carte Trizbort au début). Dans le même temps, j’ai testé le jeu de Mathbrush, et aussi, plus brièvement, le jeu de Katherine Morayati. Bref, communiquer entre auteurs pendant le développement du jeu c’est vraiment chouette ; ça motive, on se sent moins seul et mine de rien on avance pas mal ensemble.

Bilan de tout ça : 100 coquilles et 150 bugs et améliorations signalées pour Life on Mars?, 4 bêta-testeurs, 3 jeux bêta-testés.

J -15 : j’en ai marre

À un moment, je n’arrivais plus à avancer, comme une sorte de burn-out. Je ne sais pas pourquoi, mais j’ai pas ressenti ça pour Homeland Security ou Ma princesse adorée : pour ces deux-là, j’avais des grosses listes de bugs, et je les corrigeais à la file et j’étais content. Là, j’en avais assez marre ; je sais pas trop pourquoi, mais je n’avais plus envie de corriger les quelques bugs qu’il me restait : j’ai dû passer autant de temps sur les 20 derniers bugs que sur les 120 premiers. Ça arrive, j’imagine… mais c’est pas super.

Mais c’est peut-être aussi que j’ai gardé des trucs barbants pour la fin, ceux qui m’intéressaient moyennement : par exemple, « vérifier que le ton est homogène », « vérifier que la thématique X est assez présente, et pourquoi pas, la pousser ». C’est le genre de trucs pour lesquels il est facile de dire « ouais… boh, ça va, là, non ? ».

Les tâches que j’ai gardées pour la toute fin, c’était : faire une couverture (j’avais déjà trouvé l’image, il fallait juste rajouter le bandeau), faire une solution (facile), et regarder comment ça marche avec Parchment, vu que le site de la Comp propose de télécharger ou jouer en ligne (et pas mal de gens vont y jouer en ligne). Et bien sûr, ça marchait pas super bien, et, pour une sombre histoire de taille d’écran, j’ai dû bidouiller un truc, et ça m’a privé d’un outil que le site de la comp a mis en place, qui est une liste de toutes les transcriptions des joueurs ! Apparemment ces transcriptions sont assez intéressantes (et certaines plutôt marrantes — apparemment y’a des joueurs qui s’énervent en tapant des commandes genre >MAIS PUTAIN MAIS C'EST PAS VRAI !). Je sais pas si j’aurais été en mesure de les utiliser de toute façon — avoir une centaine de transcriptions qui vous tombent dessus, je pense qu’on peut pas tout lire, et au final je sais pas si c’est vraiment utile.

J -1 : respire

Quand on met en ligne le fichier sur le site de la comp, il y a une prévisualisation qui permet de vérifier si tout est bien : est-ce qu’on a bien mis en ligne la solution, est-ce que le site trouve bien le fichier de jeu dans le zip et lance bien le bon interpréteur, etc. Donc on vérifie bien douze fois, et on essaye de se calmer. C’est un peu stressant tout ça…

… heureusement, il y a le forum des auteurs ! C’est une sous-section privée dans intfiction.org, où seuls les auteurs des jeux de la comp sont invités.

À l’époque (ça a changé depuis), en tant qu’auteur, on n’avait pas le droit de parler pendant les 6 semaines de la Comp, pour ne pas influencer les votes. La règle a été relâchée l’année suivante, parce que les auteurs qui participent à la comp ont envie que plein de gens jouent à leur jeu et donc devraient pouvoir faire de la pub (mais l’inconvénient c’est qu’il y a des risques de « hé je suis dans une compétition… si vous voyez ce que je veux dire… »). Le débat est intéressant — dites-vous bien qu’à une époque, celle des newsgroups (il y a une quinzaine d’années donc), PERSONNE n’avait le droit de parler de la Comp en public : les gens se réveillaient le 15 novembre avec des dizaines de posts en même temps qui pouvaient enfin en parler.

Donc pendant 6 semaines, y’a le forum des auteurs — et c’est ÉNORME. Andrew Schultz m’avait prévenu que ça allait être super, eh ben il avait totalement raison. On était 50, tous super motivés et anxieux en même temps, à parler des jeux des uns et des autres, parler design, se raconter nos vies, etc, etc. Il y avait une activité pas croyable, un nombre de reviews probablement supérieur à ce qu’il y avait sur le reste de l’Internet, des grosses discussions, des blagues, c’était super ! Rien que ça, c’était génial, et ça renforce les liens entre auteurs, qui sont à ce moment-là des grosses pelotes de stress en attendant la date fatidique !

… dont on vous parlera dans l’article suivant ! À demain !