Ce qui suit est une entrevue de JB par Eriorg, publiée dans le SPAG no 47.

Eriorg : D’abord, la question habituelle d’introduction des interviews pour SPAG : pourriez-vous nous parler un peu de vous ? Qui êtes-vous, quel est votre métier, etc. ?

JB : Je suis JB, avec une vie bien remplie, et plein d’histoires à raconter.

E : Comment avez-vous connu l’IF en général, et l’IF francophone en particulier ?

JB : Je suis tombé en 2002 par hasard sur Aisle et j’ai été charmé par ce jeu surprenant. J’ai découvert ensuite le langage Inform, et sa version française, mais il n’existait pas de jeu original en français à l’époque. J’ai trouvé intéressant de tenter l’aventure, et quelques mois après, Filaments était écrit.

E : Je vois que vous êtes aussi écrivain et que vous avez publié un roman, Perfect !. Pouvez-vous nous en dire plus ? Et votre expérience d’écrivain vous aide-t-elle pour vos jeux IF, et vice versa ?

JB : La création de Perfect ! était plus un projet d’édition que d’écriture : il s’agissait d’une nouvelle sur les jeux vidéo publiée sur un site qui avait obtenu un très grand succès ; nous avons créé un label (Ginko), fait une demande d’ISBN, fait les dépôts officiels au ministère de l’Intérieur et à la Bibliothèque Nationale de France, établi le code à barres correspondant à l’ISBN, réalisé une couverture aux normes, etc.

Il est difficile de se lancer dans une IF sans avoir du plaisir à écrire, mais un écrivain accompli, s’il sait nous enchanter avec un scénario enlevé, des personnages consistants et des descriptions tangibles, ne donnera pas la garantie d’un jeu interactif donnant le plaisir intellectuel d’un vrai jeu vidéo ; une double culture, celle des jeux d’aventure et de la littérature, est un prérequis pour cet exercice.

E : Au sujet d’Ekphrasis, votre nouveau jeu : qu’est-ce qui vous a donné l’idée de faire une histoire sur l’art de la Renaissance ? Êtes-vous passionné par le sujet ?

JB : Je souhaitais écrire une histoire traitant d’experts dans un sujet particulier, a priori austère et rigoureux comme le sont pour les néophytes l’histoire de l’art ou les mathématiques, et faire contraster des personnages avec de fortes personnalités avec ces sujets austères. Le reste n’a été que de la documentation, la période de la Renaissance étant si riche que tout peut être prétexte à des histoires passionnantes.

E : Ekphrasis est votre premier jeu avec des graphismes, des sons et des musiques. Selon vous, qu’est-ce que ces éléments multimédias peuvent apporter aux jeux IF ? Devraient-ils jouer avant tout le rôle d’illustrations, belles mais optionnelles, ou préférez-vous, comme c’est par moments le cas dans Ekphrasis, qu’elles soient réellement indispensables pour le jeu, par exemple pour résoudre certaines énigmes ?

JB : Par leur aridité, les IF jouent sur la part obscure de l’imagination et il est possible que l’ajout d’éléments multimédias ne soit une évolution ni nécessaire ni souhaitable.

Les illustrations ne sont pas optionnelles : Ekphrasis est écrit à la 1re personne, et ce que voit Gilbert Fontenelle le professeur d’histoire de l’art n’est pas ce que doit voir le joueur pour progresser ; plus précisément, ce que voit Gilbert est transcrit par le texte, l’image venant apporter une vision plus objective. Par exemple, dans le premier lieu, la description fait appel à Bramante et la « présence terrible » des maîtres de la Renaissance, mais l’image explique plus clairement où se trouve le joueur.

De même, lorsqu’on observe certains objets, par exemple le fax que l’on reçoit en début de partie, l’information apparaît sur la fenêtre graphique, et l’on a un commentaire ironique de la part de Gilbert dans la partie texte, ce qui permet d’avoir une liberté d’écriture particulièrement agréable à manipuler.

Par extension, les sons existent pour souligner une ambiance, et la musique, brève, pour sanctionner un chapitre et donner un ton.

Quant à la possibilité d’exploiter des images ou des sons pour imaginer de nouvelles énigmes, pourquoi pas, mais la qualité des énigmes, la clarté de leur formulation et l’astuce de leur résolution et le plaisir de jeu conséquent ne sont qu’une problématique de conception et non de réalisation.

E : Pouvez-vous nous dire (pas besoin d’entrer dans tous les détails !), parmi les illustrations et les sons présents dans Ekphrasis, ce que vous avez fait vous-même et ce que vous avez pu prendre ailleurs, dans des sites d’images ou de sons libres de droits par exemple ?

JB : J’ai pioché dans mes archives et les archives familiales, ainsi que sur un CD de banque d’images acheté. À ce sujet, vous retrouverez certains personnages d’Ekphrasis dans diverses publicités de mauvaise qualité…

E : La programmation du jeu avec Glulx s’est-elle déroulée sans trop de difficultés ?

JB : Des problèmes qui me paraissent aujourd’hui mineurs : compilateur obsolète, la fonction de sauvegarde, et aussi le verbe « demander », ne fonctionnaient pas dans les librairies françaises, jusqu’à ce qu’une correction récente soit implémentée.

Enfin, jusqu’à ce que le OGG soit implémenté dans Glulx, Ekphrasis a bien failli être un jeu silencieux…

E : Vous êtes déjà l’auteur de 4 jeux IF en français : Filaments, La Mort Pour Seul Destin, Échappée Belle dans les Contrées du Rêve et bien sûr Ekphrasis. Lequel préférez-vous, personnellement ? Lequel a reçu le meilleur accueil des joueurs ? Avez-vous une estimation du nombre de personnes qui ont joué à au moins un de vos jeux, à votre connaissance ?

JB : Mon préféré est celui que je vais bientôt écrire. 😉 Bien que j’ai reçu des e-mails élogieux concernant Ekphrasis, Filaments a reçu à l’époque un accueil extrêmement chaleureux et je reçois régulièrement des e-mails à ce sujet (d’un public exclusivement féminin, d’ailleurs) même 4 ans après.

À titre d’information, au 6 janvier 2007 et depuis sa mise en ligne le 3 novembre 2006, Ekphrasis a été téléchargé 3037 fois pour sa version auto-installable sous Windows et 1696 fois pour sa version .blb pour les autres systèmes d’exploitation depuis mon site internet.

À présent, je ne sais pas combien de personnes y ont joué. À noter que ces chiffres sont en dessous des téléchargements pour La Mort Pour Seul Destin, comme quoi, quand on a un bon titre…

E : Vous avez déjà fait — et fini ! — 4 jeux (dont 3 très longs), ce qui est peu commun pour l’IF francophone ! Quel est votre « secret » ?

JB : Je suis hanté par des histoires qui ne demandent qu’à s’exprimer.

E : Filaments a été traduit en italien et a d’ailleurs reçu le prix de la meilleure aventure en italien de l’année 2003. Dans quelles circonstances cela s’est-il produit ? Pensez-vous qu’il y aura d’autres traductions de vos jeux, par exemple une traduction d’Ekphrasis en anglais ?

JB : Peu après la publication de Filaments, un joueur bilingue enthousiaste s’est proposé d’en réaliser une traduction. Étant donné qu’il était également un bon programmeur, il n’est pas impossible que la version italienne soit également plus agréable à jouer…

Évidemment, il me serait toujours agréable qu’Ekphrasis ou un autre soit traduit en anglais afin que ces personnages soient connus d’un public plus large, mais je ne serai pas personnellement proactif sur ces projets, la traduction étant un projet nécessitant une rigueur, une compétence et une passion que je ne pense pas avoir.

E : Quels sont vos jeux IF préférés ?

JB : Aisle, Shrapnel, All Roads

E : Comment voyez-vous l’avenir de l’IF francophone ?

JB : Notre communauté s’enrichit d’environ un membre permanent par an, donc plutôt bien. 😉

E : Quels sont vos projets (en rapport avec l’IF surtout !) ?

JB : Je suis actuellement sur un nouveau projet, qui comporte encore plus d’images, avec une fenêtre graphique plus grande, et des sons.