Aujourd’hui, parlons d’un outil relativement récent : Trizbort. Certes, le nom ne donne pas envie (ah, ces anglophones et leurs références obscures à des jeux Infocom), mais il s’agit d’un outil de dessin de cartes, bien fait et avec quelques fonctionnalités très chouettes.

Carte de ma fiction interactive Tipelau, un jeu très cool.

Avant toute chose, il faut que je vous l’avoue, c’est un outil qui ne marche que sous Windows, hé oui… J’ai déjà essayé de le compiler pour Linux avec Mono, mais ça n’a pas marché (une sombre histoire de bibliothèques partagées non portables *grommelle grommelle*). Si jamais il y a un développeur C# dans le coin qui veut regarder, je lui serai très reconnaissant !

Bref, reprenons. Dans la plupart des fictions interactives avec analyseur syntaxique, on se déplace énormément de salle en salle, en parcourant la géographie de part et d’autres, et parfois même en tournant en rond. À mesure que l’on bouge, on essaie de se faire une carte mentale des lieux que l’on rencontre. C’est parfois pas facile — et c’est ce qui est parfois exploité et transformé en énigme, notamment dans les sections « labyrinthe » — mais, parfois, si la carte du jeu est trop grande, le joueur normalement constitué se décourage, submergé par la quantité d’informations à retenir (pour moi, c’est Inside Woman et Worldsmith).

Donc, il est souvent nécessaire de faire une carte ; les joueurs aguerris ont toujours eu un bout de papier à portée de main, et finissent avec un bureau couvert de notes (vous pouvez voir des exemples sur le site de David Welbourn, joueur vorace et très méticuleux qui a scanné toutes ses notes de jeu récemment). C’est le problème que veut résoudre Trizbort : il s’agit à la base d’un logiciel pour tracer des cartes au fur et à mesure que vous explorez le jeu, que vous puissiez vous y retrouver. Il y a même une fonction incroyable, l’auto-mapping : lancez le jeu dans un interpréteur, allumez la transcription (« transcript on », normalement), puis ouvrez Trizbort et dites-lui où est le fichier de transcription : Trizbort s’occupe de dessiner la carte tout seul au fur et à mesure !

Trizbort est très simple d’utilisation. Lancez-le, et vous vous retrouvez face à un canevas vide. Créez une salle en appuyant sur R, puis appuyez sur Entrée : vous pouvez alors changer le nom de la salle, mettre des indications, sa description (qui apparaîtra quand vous passez la souris sur la boîte), etc. Vous pouvez aussi faire une liste des objets dans la salle, ce qui peut vous aider pour les jeux avec beaucoup d’énigmes à la fois ou beaucoup de choses qui pourraient être utiles mais pour lesquelles vous devrez revenir plus tard : la règle, c’est un objet par ligne, et si un objet est dans un autre, on l’écrit dessous et avec une espace en plus au début de la ligne. Vous pouvez aussi, si le cœur vous en dit, changer le style de boîte (bords ronds, en pointillé, etc.) pour distinguer certaines salles visuellement ; ça peut vous servir si vous vous créez un code (« les salles secrètes en ellipse », par exemple), ou si vous voulez faire une jolie carte de votre jeu afin de pouvoir la donner au joueur avec votre jeu (ou la faire payer, si vous êtes comme ça). Bref, beaucoup d’options pour ajouter des informations et des annotations à votre carte.

Ma première pièce avec Trizbort !

Ensuite, vous pouvez en créer une autre, et faire de même. Et pour les relier, vous avez le choix : vous pouvez soit sélectionner les deux salles et appuyer sur J et laisser Trizbort faire le lien, soit dessiner à la main, en cliquant sur un des points d’accroche qui apparaissent quand vous passez la souris sur une salle, et en tirant le lien. Les liens persisteront, même si vous décidez de bouger une salle, de réorganiser toute une section (vous pouvez sélectionnez plusieurs salles et les déplacer, pas de souci), ou agrandir ou diminuer la taille d’une boîte ! L’outil est vraiment flexible et vous permet de faire beaucoup de choses graphiquement avec les boîtes.

Le reste de ma maison est en passe d’être raccordé…

J’ai déjà vu certains articles expliquant que l’on pouvait utiliser Twine pour faire des dessins de boîtes reliées entre elles, pour plusieurs applications (flowchart du jeu, dépendance entre les énigmes, etc.). J’aurais tendance à dire personnellement que Trizbort est plus flexible graphiquement (plein de couleurs, de types de boîtes, de types de liens), et permet de coder plus d’informations différentes, donc c’est vraiment un outil à ne pas négliger ; en revanche, il est peut-être moins portable (Windows seulement, alors que Twine fonctionne même dans un navigateur), et Twine permet de générer une page web avec les liens cliquables, ce qui peut être utile pour simuler l’expérience utilisateur. Bref, à ne pas négliger pour des utilisations qui ne sont pas forcément des cartes.

Une autre carte, celle de Jason Dyer jouant à Adventure 501, créée avec Trizbort.

Enfin, je ne peux pas parler de Trizbort sans évoquer une fonctionnalité extraordinaire, qui a changé la façon dont je travaille : l’export de code. Oui, vous pouvez dessiner la carte d’un jeu, avec les bons noms, les descriptions, et la liste des objets, et ensuite demander à Trizbort d’exporter le code vers un langage de programmation de fiction interactive à analyseur syntaxique ! Beaucoup de langages sont pris en charge : Inform 6 et Inform 7 (code en anglais), TADS, Alan, Hugo et ZIL.

Ceci fait que vous pouvez utiliser Trizbort comme un outil de prototypage : faites une ébauche de carte pour votre jeu, mettez les quelques objets dont vous aurez besoin dans le jeu, et exportez le code, et vous avez maintenant le squelette de votre jeu, à remplir avec toute la logique du jeu et les interactions — ça vous donne une bonne longueur d’avance, sans avoir eu à toucher au code !

Bref, que vous soyez joueur ou auteur, Trizbort est un outil moderne qui gagne à être connu et peut vous être très utile !