FibreTigre est un auteur français spécialiste de la fiction interactive, auteur de FI comme Filaments, Ekphrasis… Il est le créateur de plusieurs jeux vidéo, dont Out There, et l’auteur de livres-jeux et de bandes dessinées. Il a dernièrement créé Aria, un univers de low fantasy édité sous forme de livres, que vous pouvez également découvrir dans son émission Game of Rôles. Il est aussi le créateur de Voyage en Osmanlie, une trilogie, à laquelle nous allons plus particulièrement nous intéresser aujourd’hui.


Bonjour Fibre Tigre ! Tu as commencé en 2014 par la conception et la scénarisation de Out There, un jeu vidéo qui a connu un beau succès. D’autres jeux ont suivi jusqu’en 2019. Puis en 2020 tu publies Aria, le premier jeu de rôle français indépendant. En 2021 vient Aria : Voyage en Osmanlie. Peux-tu nous dire ce qu’est Voyage en Osmanlie ?

C’est une trilogie de livres dont vous êtes le héros qui voulait à la fois retranscrire tout ce que j’avais appris de l’existant, mais aussi ajouter des nouveautés, et, tant sur le fond que la forme, rendre hommage à la série Sorcellerie!. La trilogie a été initialement éditée en 2007.

Quel est le style d’écriture adopté dans Voyage en Osmanlie, que voulais-tu faire vivre aux joueurs-lecteurs ? (Pour ma part, je me suis immédiatement attaché au personnage. Peut-être à cause de son background rapidement introduit, et j’ai été séduit par la description détaillée, mais jamais rébarbative des scènes.)

C’est une des bases d’écrire, un peu, mais pas trop quand on en vient aux descriptions en FI. L’idée était vraiment de faire vivre un grand voyage dans un pays dangereux, mais merveilleux.

Tu es, je crois, un grand passionné de livres dont vous êtes le héros (LDVELH), notamment Loup Solitaire, une série de livres-jeux dans un univers d’heroic fantasy ? Si tel est le cas, de quelles manières Loup Solitaire t’a-t-il inspiré pour créer Voyage en Osmanlie ? Et quelles ont été tes autres sources d’inspiration ?

Loup Solitaire est une série à succès, mais la trilogie est inspirée de Sorcellerie!, qui « de loin » ressemble à LS en plus petit : des livres qui se suivent dans une même histoire, mais Sorcellerie! a des aspects assez géniaux. Il y a réellement des choix dès le tome 1 qui ont un impact sur le long terme. On y joue avec l’espace et le temps. Et puis il y a un romantisme de fond : on traverse un pays hostile, mais qui a ses propres règles et qui est unique. Enfin, on peut jouer le tome 1 sans faire un seul combat, et pour une production des années 80 c’est presque unique. La structure de création géographique de Sorcellerie! m’a inspirée pour la trilogie de l’Osmanlie : Sorcellerie! se passe au Népal, Aria en Turquie.

As-tu souhaité rappeler certains codes de ces livres-jeux, et si oui, comment as-tu intégré ces éléments dans ta trilogie ?

À l’origine, c’était vraiment un hommage fidèle jusque dans le choix des typos (Baskerville Old Face pour le titre par exemple), donc on y trouve des mécaniques et une présentation typique. J’ai même mis un bestiaire de l’époque, comme des Orques (orthographe de cette créature dans les années 80) avant de basculer vers un bestiaire plus original.

As-tu mis en place des mécaniques de jeu différenciantes des jeux des années 90 ou des productions actuelles ? Lesquelles ?

Oui, le système de combat dispose d’un bonus d’arme qui oblige à faire des « entraînements » risqués, mais profitables sur le long terme. Il y a un système de magie inspiré d’une mécanique des Chroniques crétoises. Enfin, il y a une première mondiale, puisque dans le tome 3, il y a un principe d’interaction utilisant la mise en page ; cela a été utilisé depuis par d’autres œuvres, mais je n’ai pas d’occurrence de ce système en amont.

Y a-t-il, avec le recul des éléments que tu ajusterais, ou supprimerais ? Des choses que tu n’as pas pu intégrer et qui auraient pu l’être ?

Le livre a été entièrement revu et corrigé depuis, surtout sur la caractérisation des personnages.

Y a-t-il eu des phases difficiles dans l’écriture ainsi que dans l’édition de Voyage en Osmanlie ? Si oui, lesquelles ?

Non, la fiction interactive est mon métier depuis 21 ans maintenant, ça vient très naturellement, je n’utilise même plus de diagramme.

As-tu adopté des méthodologies de conception et d’écriture particulières ?

Pas vraiment, j’écris au fil de l’eau quand j’ai du temps.

Quel outil as-tu utilisé pour t’y retrouver dans les embranchements narratifs de Voyage en Osmanlie ?

Aucun, je suis navré. J’ai fait 400 paragraphes vides que j’ai remplis au hasard.

Comment as-tu vécu l’écriture de cette trilogie ? Est-ce qu’à force d’écrire l’on ne se coupe pas un peu de la réalité à en devenir le héros de ses récits ?

J’écris tout le temps. Après avoir rendu cet interview, je vais écrire sur divers sujets, et pourtant on est dimanche et c’est mon premier jour de vacances. Ça fait juste partie de ma vie.

Quelle place a ou a eu le développement du monde d’Aria dans ta vie ?

Aujourd’hui, c’est ma première source de revenus avec le succès associé de l’émission Game of Rôles. Il est important pour être frais et avoir de bonnes idées de travailler sur d’autres sujets (comme The Beautiful Walk, par exemple). Chaque effort d’écriture sur un projet donne de la vitalité à tous les autres.

La trilogie aura-t-elle une suite ?

Pas dans l’immédiat. Je vais vers ce qui fonctionne le mieux, et les LDVELH ne sont pas des merveilles de profit.

As-tu prévu de décliner la trilogie sous forme numérique, à l’aide d’ink, par exemple ? Bien que tu sembles avoir choisi de te concentrer sur l’écriture « papier » et avoir arrêté la réalisation de jeux vidéo (peut-être devenu trop une « industrie » ?)

Pourquoi pas ? Il est possible qu’Aria fasse l’objet d’un JV…

Quel regard portes-tu sur les nouveaux formats de livres-jeux qui sortent actuellement, je pense notamment aux formats BD, mais peut-être en connais-tu d’autres ?

Le livre dont vous êtes le héros est, sauf si l’on y associe un produit star ou une célébrité (voir le KickStarter de Bob Lennon), un produit de niche qui n’intéresse que les collectionneurs, en gros 1000 personnes en France. D’ailleurs les éditions récentes des Fighting Fantasy ont intégré cette dimension : des produits chers, avec des dorures, des signatures, des éditions limitées, des numérotations… Ils ont un réel intérêt, tout comme la FI textuelle, pour devenir un bon narrateur interactif, mais pour le reste…

Pour ceux qui voudraient tenter l’aventure de l’écriture d’un livre dont vous êtes le héros, quels seraient tes conseils ?

Faites plutôt un bon jeu sur Twine.

Pour ceux qui souhaiteraient en connaître plus sur le monde d’Aria ?

Sur Youtube, en cherchant Game of Rôles.

Où peut-on te suivre et se procurer tes œuvres ?

Mon TikTok, Facebook, Twitter, Insta, Twitch : fibretigre. Voir aussi : https://www.fibretigre.com/, https://game-of-roles.com/, et https://www.elder-craft.com/copie-de-aria

Quels sont tes autres projets à venir ?

J’en ai 3 qui pourraient vous intéresser :

  • J’aimerais faire un Maupiti Island aux intrigues procédurales.
  • J’aimerais retirer les éléments ludiques des actual plays pour en faire des fictions improvisées interactives
  • J’aimerais faire du JDR par correspondance… avec les moyens modernes

Que souhaiterais-tu ajouter ?

La fiction interactive textuelle est le terreau de base des grands narrative designers. Ce n’est jamais du temps perdu de s’y consacrer.

Merci Fibre Tigre pour ta disponibilité. Moi je cours de ce pas commander le premier Tome du JDR Aria.